Gerris immortels chez Valery Larbaud


« Un jour Marcel découvrit la mer intérieure, le bassin. [...] Après bien des pourparlers, il fut convenu que le port principal (l'escalier qui descend dans l'eau) lui appartiendrait. Alors, il s'y installa et passa des heures à explorer les eaux des cette mer mystérieuse. A la surface flottaient ces insectes qui sont faits d'un trait horizontal porté sur six minces pattes. Ce sont peut-être des bâtons d'écriture qui se sont échappés des cahiers de l'école. Ils savent bien leur système métrique, et ne manquent jamais de l'appliquer : même lorsqu'on les poursuit, ils n'oublient pas de compter les centimètres qu'ils parcourent à la surface de l'eau. Ils sont invulnérables et probablement immortels : vous avez beau soulever une tempête autour d'eux pour les noyer : pendant que vous agitez encore votre bâton dans un remous de vase, toute leur tribu est déjà de l'autre coté du bassin, occupée à mesurer la portion d'eau calme qui lui reste. »
Valery Larbaud, « La Grande Époque » in Enfantines, 1918.